Les béatitudes bestiales de Balthazar B by J. P. Donleavy

Auteur:J. P. Donleavy [Donleavy, J. P.]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782070369874
Google: DauoGAAACAAJ
Éditeur: Gallimard
Publié: 2000-05-14T22:00:00+00:00

Sous

La toison

Folle

Des arbres.

19

Rouler en pleine nuit sur les pavés déserts de Dublin. L’heure sonne au passage à l’horloge d’une tour. Au bas d’une rue escarpée, devant une vieille église, Beefy fit arrêter le taxi. Il aida Rébecca à descendre. Et dit adieu.

Tandis que la voiture repartait, Balthazar B regardait par la vitre arrière. Quatre roulottes sur un terrain vague. Des rétameurs enfouis dans leur sommeil. Au bord d’une flaque de lumière sous un réverbère, Beefy, debout, avait passé le bras autour de Rébecca. On avait l’impression qu’il n’en bougerait plus.

Le taxi traversa la Liffey. Où flottaient des cygnes blancs. Puis il roula entre les boutiques closes derrière leurs volets dans Cape Street et plus loin vers le nord, au long d’une grève nue près d’un parc désert et plat. Clontarf si souvent traversé en trombe, quand j’allais dans ma Landship aux courses de Baldoyle. Avec les petits gosses qui agitaient les mains et criaient joyeusement sur mon passage. L’éclair d’une lanterne de phare au-delà de l’ombre bosselée, flottante de l’île de North Bull. Une froide journée de golf passée là-bas dans ces collines sablonneuses. À rêver de choses beaucoup moins sportives en frappant ma balle. D’une femme que je pourrais dire mienne. À qui j’enverrais des tulipes. Quelque part où mettre mon plaisir en couchant mon cœur sur le sien. Breda et ses petits yeux noirs, ses poignets maigres.

— Qu’est-ce qu’ils vont essayer de vous faire, à l’université.

— La radiation.

— Qu’est-ce que c’est.

— On se fait expulser. On est balancé.

— C’est pire que d’être bouclé.

— Oui, c’est pire.

— Ça ne lui fait ni chaud ni froid, j’imagine, à ce Beefy. Avec tous les millions de livres qu’il a. Je suis sûre que ça le ferait même plutôt rigoler.

— Quelquefois ce n’est pas si facile.

— Je ne vois pas ce qu’il y a de si dur à avoir tout cet argent.

— Vous savez, un garçon comme Beefy a des administrateurs. Qui peuvent lui faire des ennuis.

— Si l’argent est là, où est le problème. Vous pourriez bien me donner autant d’administrateurs que ça vous ferait plaisir. Ce type-là, des comme ça, j’en ai jamais rencontré avant. C’est vrai que j’ai jamais été nulle part, dans ma vie. Je suis rien qu’une fille d’ouvrier ordinaire. C’est la première fois que je mets les pieds dans un appartement comme ça. Pareil que ceux qu’on voit dans les films. Avec les tapis sur les murs. Et des trucs brillants qui vous sautent à la gueule sur les murs. C’est que moi, de votre point de vue, j’ai pas d’éducation.

— L’éducation, cela consiste à n’apprendre que ce qu’on n’a pas besoin de savoir.

— Sans blague.

— Je crois bien.

— Vous êtes un drôle de bonhomme. Pas comme votre ami. Vous, c’est le genre plus calme. Vous devez pas me trouver très bien.

— Pourquoi dites-vous cela.

— Ma foi, je peux pas expliquer, mais Rébecca, c’est ma plus vieille amie puisqu’on a été élevées ensemble là-bas à Irishtown. On n’est pas précisément des princesses. Hein. J’habite plus très loin maintenant.

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